Urgences dentaires : 50% des patient·es géré·es efficacement à distance
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Comment soigner les urgences dentaires au temps du covid-19 ? Dès le début du premier confinement, une stratégie de tri par téléphone a été mise en place. Pour aller plus loin, le Service de dentisterie des Cliniques universitaires Saint-Luc et l’UCLouvain ont lancé une étude auprès de 500 patients. Résultat ? Près de 50 % des patients ont pu être pris en charge entièrement à distance et de manière efficace.
Julian Leprince, professeur et chef de service
« Comme dans toute démarche scientifique, il y avait beaucoup d’opinions à propos de cette stratégie. On a donc voulu la mesurer et la valider. Les résultats ont été publiés dans le Journal of Dental Research, le plus prestigieux dans le domaine de la recherche dentaire. »
Comment soigne-t-on des patients à distance ?
« La base, c’était de rassurer parce qu’il y avait beaucoup d’anxiété. Ensuite, on établissait un diagnostic, même imparfait afin de réaliser un tri. Cela nous permettait d’identifier les urgences dentaires ne pouvant a priori pas être gérées efficacement à distance et celles pour lesquelles c’était possible, par le biais de conseils et/ou de prescription médicamenteuse. Le soulagement efficace des symptômes et le contrôle de la douleur (1 semaine et 1 mois) devaient toutefois être assurés dans les deux stratégies de gestion. Au final, les patient·es étaient très contents, ils se sentaient pris en charge et suivis. »
Cela a-t-il eu un impact sur l’enseignement ?
« Pas à proprement parler, mais bien comme un exemple d’application de la démarche scientifique dans le monde médical et dans les décisions sociétales, même en situation de crise. Cela a permis de montrer qu’on peut apporter des réponses fondées sur base de données validées, et non de simples opinions comme c’est trop souvent le cas. »
Cela changera-t-il les soins dentaires à l’avenir ?
« Des épidémies de ce type peuvent se reproduire, d’où l’importance d’avoir une stratégie de tri dans la gestion de ses propres urgences. D’autre part, il y a des situations, où les soignant·es sont surchargé·es, avec une capacité d’accueil réduite. Enfin, c’est toute la notion de télé-médecine qui apparaît ici, dans un secteur, à la base, technico-dépendant. »
Julien Beauquis, assistant facultaire UCLouvain et dentiste spécialiste hospitalier aux Cliniques Saint-Luc
« Le lundi 16 mars 2020, on s’est réuni avec une quarantaine de personnes, tous les assistant·es et permanent·es en dentisterie des Cliniques, pour décider de la mise en œuvre du tri des patients et fixer des guidelines très précis. Le 18 mars, on les appliquait. De la frustration de ne pas savoir si nos conseils étaient utiles, on a décidé de faire un suivi de chaque patient et dès le 25 mars, on lançait une étude. Le 1er avril, on collectait nos premières données. »
Comment avez-vous procédé ?
Quand un patient appelait pour une urgence, il était automatiquement inclus dans l’étude. Lors de cette prise de contact et en accord avec nos guidelines nous décidions si le patient pouvait être géré à distance ou sur place. Et au final, on a pu gérer efficacement à distance 50% des personnes concernées avec un suivi à 1 mois. La population est très peu avertie de ce qui touche aux pathologies dentaires. Une douleur suscite tout de suite l’angoisse alors que ce n’est pas nécessairement grave.
Cette étude vient à point pour appuyer votre thèse ?
« Ce n’était pas prévu mais cela donne un bon fil conducteur à ma thèse qui porte sur la ‘Compréhension et gestion de la douleur pulpaire’. Cela a permis aussi de prendre du recul par rapport aux urgences dentaires. La majorité concerne la phase aigüe d’une pathologie préexistante. Finalement le covid a été un bon contexte pour mener à bien ce type d’étude. En temps normal, le patient aurait consulté un autre dentiste. »
De quoi est fait votre quotidien ?
« Je suis assistant facultaire à mi-temps à l’UCLouvain et dentiste spécialiste hospitalier à mi-temps aux Cliniques universitaires Saint-Luc. Comme assistant, je fais de la recherche dans le cadre d’un PhD et j’assure des tâches d’encadrement des étudiants. À côté de cela il y a les cours et la gestion des patients, c’est donc très varié. »
L’étude a été réalisée par J. Beauquis, A.E. Petit, V. Michaux, V. Sagué, S. Henrard, J. Leprince
"J'ai l'impression d'avoir vécu plusieurs vies "Julien Beauquis est originaire de Marseille et vit en Belgique depuis 2009. Ce qu’il apprécie à l’UCLouvain ? « J’ai l’impression d’avoir vécu plusieurs vies. J’ai fait partie d’un kot-à-projet sur le campus de Woluwe, le MusiKot, monté un collectif d’étudiants pour la réalisation d’une expo photo de personnes travaillant pour l’UCLouvain, ‘Inside Out’. Comme étudiant, j’ai aussi participé à un projet humanitaire avec une collègue au Népal : plutôt que de distribuer des bonbons aux enfants, comme les touristes peuvent le faire, nous leur avons notamment apporté des brosses à dents. J’ai souvent eu du soutien de l’université pour mener des projets à bien, il y a tout un champ de possibilités. » |
Crédit photo : ©Hugues Depasse